n° 14 - décembre 2013


Madame la Ministre,
faites de la politique, pas de la gestion !

La ministre des Affaires sociales et de la Santé est venue au 6ème congrès national de MG France, signifiant l’importance qu’elle accorde au syndicat des généralistes. Mais a-t-elle vraiment fait un discours de ministre ? J’ai eu l’impression que le message politique était surtout porté par MG France dont le président, Claude Leicher, a pu dire : «les investissements d’aujourd’hui sont les économies de demain».

Je rentre du congrès de MG France remonté comme une pendule ! Et enthousiaste ! Je sais que la politique de santé de demain s’est aussi écrite à Marseille. Parce que les idées de MG France sont reprises par tous : politiques, économistes, décideurs à tous les niveaux. Et surtout parce que ses idées sont reprises par les jeunes et futurs médecins venus au rendez-vous, plein d’idées, d’exigences et animés de la volonté de faire avancer les choses.

Mais la pesanteur des politiques subsiste pour ne pas faire avancer les choses. Les problèmes sont sous nos yeux, dans nos campagnes, dans nos villes. Les solutions, pour en régler quelques uns, sont connues. Mais au lieu de canaliser les énergies positives, de généraliser les bonnes idées, les politiques sont sans arrêt le pied sur les freins. C’est pénible.

Aussi, invitons la Ministre à ne pas faire siennes les paroles d’Albert Camus : «La société politique contemporaine : une machine à désespérer les hommes». Arrêtons les louvoiements. Madame la ministre, faites de la politique !

Bernard Plédran
Généraliste à Bordeaux (33)

Politique de Santé


A quand une véritable organisation

Le 23 septembre dernier, Mme Marisol Touraine, Ministre de la Santé, a dévoilé les grands axes de sa stratégie nationale de santé. Les soins primaires sont enfin considérés comme une priorité. La ministre l’a rappelé à Marseille, le 22 novembre au congrès de MG France. La réorganisation du système de santé autour du médecin traitant serait (enfin) d’actualité. Tout serait donc gagné ? Sûrement pas.

Le gouvernement doit à présent passer à l’acte. Il faut rémunérer le médecin généraliste traitant pour toutes ses actions de prévention. Ce dernier doit devenir le médecin traitant de l’enfant. Il faut pérenniser  les nouveaux modes de rémunération (NMR), étendre la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) à d’autres thématiques de santé publique et faire évoluer certains items existants peu pertinents.

Le gouvernement doit également confirmer la rémunération du travail en équipe : il faut rémunérer le travail de coopération et le temps de coordination passé avec les autres professionnels de santé.

Si l’on veut opérer une «révolution des soins primaires», comme l’avance la ministre, il faut reconnaitre le rôle et la place du  médecin traitant au centre du système de soins.

Un système où chacun garderait sa place, l'hôpital jouant son rôle dans les avis spécialisés de second ou troisième recours indispensables aux malades.


des soins primaires ?

Le médecin généraliste traitant, maillon initial du système, doit être accessible par tous les résidents du pays, sans exclusion. Il doit aussi être assuré du paiement de ses honoraires, d’un paiement à la hauteur de toutes les tâches qu’il assure et qui lui sont demandées.

Le gouvernement doit tout autant passer à l’acte pour la filière universitaire de médecine générale (FUMG), qui attend des moyens dans les 2e et 3e cycle, et que l’on débloque le cursus des chefs de clinique.

Les médecins généralistes traitants attendent une réelle valorisation des modes d’exercice de la médecine générale, qui ne pourront pas se faire sur le seul « modèle » de la maison de santé pluri-professionnelle (MSP). Il est plus que temps d’augmenter les rémunérations par patient pris en charge.

Il faut, sans tarder, organiser le système de soins. Il faut mettre en place une réforme de grande envergure qui trouve sa traduction dans la future loi de santé publique. Pour attirer les jeunes médecins, très préoccupés par l’organisation même de leur métier, une modernisation de la profession est nécessaire.

Madame la ministre de la Santé, les généralistes et de nombreux patients attendent que vous passiez à l’acte dans votre volonté de rénover la santé.

Florence Lapica
Généraliste à Lyon (69)

Profession


Burn out : des causes multiples

C’est une réalité. Nous sommes nombreux à être « burn-outés ». De nombreux articles récents le confirment. Au-delà du constat, l’étude des causes de ce mal est intéressante. Il y a d’abord la charge de travail, épuisante et en augmentation constante avec la gestion de situations de plus en plus complexes induisant une pression quotidienne régulière et qui peut se résumer à cette question : Comment dire non à son patient ?

Il y a ensuite la relation médecin/patient. Il devient nécessaire d'éduquer les patients pour limiter les motifs de consultation de plus en plus nombreux pour une seule consultation mais aussi pour endiguer les débordements.

Il y a enfin les contraintes administratives avec de multiples certificats, formulaires (tous urgents) et une administration tatillonne et au mieux malhabile dans ses courriers (vous avez perçu indûment...vous avez prescrit indûment, etc.)

 

Le projet de réforme du système de santé en cours, s’il voit le jour, peut être pour nous une opportunité de sortir la tête de l’eau. Pour remédier à ce mal qui nous guette tous, il existe des pistes à creuser :

 


et des remèdes difficiles

  • Promouvoir le travail en équipe (que celui-ci se fasse au travers d’un regroupement ou par de simples échanges)
  • Favoriser le dialogue interprofessionnel, simplifier l’administratif (et bien sûr le tiers payant), améliorer notre rétribution avec de nouveaux modes de rémunération,
  • Inciter et faciliter l’installation libérale des jeunes médecins généralistes, améliorer la protection sociale des médecins installés,
  • Généraliser le secrétariat au travers d’un forfait structure
  • Pérenniser la formation médicale continue présentielle.

 

Autant de pistes à ne pas négliger en attendant ces transformations nécessaires, certaines structures peuvent aider les médecins épuisés. Ce sont notamment, l’AAPML ou l’APSS.  L’Ordre des médecins en Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées proposent des services d’écoute et de conseil au travers de l’association MOTS, En Rhône-Alpes existe le réseau ASRA. En Champagne-Ardennes, l’association «Paroles de professionnels».

 

Jean-Christophe Calmes
Généraliste à Frontignan (34)

Métier


Le DMP : pour qui, pour quoi faire,

L’histoire remonte au début des années 90 quand l’Assurance-Maladie étudiait la dématérialisation des feuilles de soins. Il s’en suivit la création de la carte Vitale et de la télé transmission. Ce système ne transmettait alors que des données administratives. À partir de 2009 vous avez remarqué un nouveau logo sur vos CPS (carte de professionnel de santé) : « ASIP-Santé » (agence des systèmes d’information partagée de santé).

L’ASIP, agence d’Etat, est créée en 2009. Ses missions concernent le pilotage et le développement de l’échange d’informations en santé. Elle reprend notamment les missions du GIE Sésam-Vitale, crée le RPPS (répertoire partagé des professionnels de santé), ouvre en 2011 le DMP (dossier médical partagé) et met en place actuellement la MSSanté (messagerie sécurisée pour la santé). Cette dernière doit nous permettre d’échanger des informations de façon sûre (identité des correspondants) et confidentielle (protection contre le vol des données transmises).

Bien entendu, toute cette trajectoire se fait avec un minimum de concertation. L’Etat sait. Il fait pour nous. Les éditeurs de logiciels métier ont à peine été consultés. On leur a dit quoi faire pour « être compatibles ». Les solutions de messagerie sécurisée - comme Apicrypt que beaucoup connaissent -, sont ignorées. L’ASIP Santé développe son système de MSSanté et charge aux autres de se rendre compatibles. Pour Apicrypt, la chose est assez justifiée, car la sûreté des échanges semble fragile.


pour quel coût ?

Le DMP, quant à lui, demeure l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire. Pensé au début des années 2000, il est officiellement développé à partir de 2005, à titre expérimental. Il n’est vraiment « ouvert » qu’en 2011, après avoir été repris en 2009 par l’ASIP. Aucune concertation sur son utilisation. Pas de hiérarchisation de l’information. Les malformations congénitales de ce DMP sont graves.

Malgré la pression des autorités, à la mi-novembre 2013, plus de la moitié des DMP ouverts sont vides. Ceux qui ne le sont pas ne contiennent, pour ainsi dire, que des informations administratives (comme Vitale). Mi-novembre 2013, seulement 402 000  DMP sont ouverts ! Ce chiffre est à rapprocher des 10 millions de patients en ALD en France. Un rapprochement que la ministre de la Santé a dû faire, puisqu’elle a annoncé un DMP 2 déployé en priorité auprès des patients en ALD…

Reste que pour le DMP dans sa 1ère version, les études préalables et les expérimentations mises en place entre 2005 et 2009 ont coûté 210 millions d’euros. L’ASIP a consommé de son côté 210 autres millions pour fonctionner et lancer ce DMP depuis 2009. Soit plus de 400 millions d’euros. Cela met le DMP à 1000 euros l’unité actuellement !

Le partage d’informations fonctionnera quand les professionnels pourront dire ce qu’ils veulent échanger et qu’on leur proposera des solutions pérennes et simples. En attendant l’argent public est dépensé sans rien produire. À qui profite vraiment cette gabegie ? Certainement pas aux malades.

 

Jean-Christophe Nogrette
Généraliste à Feytiat (87)

Pratique


L’automédication : une alternative intéressante? Oui, mais pour qui ?

Les industriels du médicament sont mécontents. Le PLFSS n’est pas en adéquation avec les enjeux des entreprises du secteur. Pour faire des économies, le G5 santé, qui rassemble les 5 principaux industriels du médicament français, préconise de favoriser l’automédication,qui permettrait, selon ses membres, d’économiser 1,7 milliard d’euros sur les comptes publics. Cette mesure proposée est éminemment dangereuse pour la santé publique.

Malgré la vigilance de nos pharmaciens, l’automédication institutionnalisée montrera vite ses limites en aboutissant à des retards sur les diagnostics (constipation, ou toux, et cancer), des interactions, des allergies (plus de 200 médicaments contiennent de l’aspirine !), des erreurs de posologie, etc.

L’économie annoncée, risque donc de se transformer en déficit accru, n’en déplaise aux industriels.

Cette mesure n’apparaît donc intéressante ni pour nos patients, ni pour nous.

La prescription et le diagnostic doivent, sauf exception, rester de la responsabilité du prescripteur. Comme la délivrance est celle du pharmacien.

Jean Christophe Calmes
Généraliste à Frontignan (34)

 

Chiffre du jour :

Voté en seconde lecture par les députés, le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 prévoit que 81,1 milliards d’euros seront consacrés aux soins de ville, sur un total de dépenses arrêtées à 174,9 milliards pour l’an prochain. Le Fonds d'intervention régional (Fir), devenu un sous-objectif supplémentaire de l'Objectif national des dépenses de l’Assurance-Maladie (ONDAM, fixé  à + 2,4 %) s’élèvera à 3,2 milliards en 2014.  


Les 5 euros ne se ramassent pas encore à la pelle !

La rémunération des forfaits MPA (Majoration Personne Agée), qui était due pour les mois de juillet-aout-septembre, se fait toujours attendre : les caisses évoquent des "difficultés informatiques" pour le rodage du dispositif. On comprend que cela puisse être difficile pour elles de gérer cette nouveauté conventionnelle... mais ce retard de paiement n’est pas acceptable ! MG France met une pression régulière sur ce sujet.
De même, le forfait médecin traitant (MT) de 5 euros peine lui aussi au démarrage. La MGEN a commencé à les payer avec plus d'un mois de retard sur la CNAM. D'autres régimes n'ont même pas commencé à le faire !
Ne faudrait-il pas, comme avec les impôts, instituer une majoration de 5% au 1er jour de retard ? Novembre-décembre étant en plus des mois difficiles pour les cabinets médicaux (taxes foncières, d'habitation, CFE ....).

Gilles Perrin
Généraliste à Grenoble (38)

 

 

 

 

 

 

 

Site du jour :

Généraliste en France

Un nouveau site, dénommé « Généraliste en France » vient de voir le jour sur la Toile. Lancé ce mois de novembre par des généralistes de plein exercice, il n’est pas un site d'actualité sur la « santé », mais se propose de répondre à des besoins d'informations spécifiques aux médecins généralistes en première ligne des soins de proximité. Il apporte ainsi une parole et un regard spécifiques de « généraliste » dans le concert des très nombreuses informations "santé" dispensées sur l'Internet.

 



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